Qu’est-ce qu’un burn-out, pour de vrai ? Nous savons que cette pathologie professionnelle est aujourd’hui fréquente, trop fréquente. Cependant, ce terme est sur-utilisé, mal-utilisé et mal compris. Pour cerner ce dont il est réellement question, j’ai invité Aude Selly, spécialiste de l’épuisement professionnel. Quelle est la définition du burn-out ? Est-ce strictement professionnel, ou peut-on bel et bien parler de burn-out parental ? Qui peut être concerné et que faire pour l’éviter ?
Qu’est-ce qu’un burn-out ? | Définition d’une notion mal comprise
Quand Aude Selly a fait le sien en 2012, c’était un sujet dont on ne parlait pas encore. Aujourd’hui, l’épuisement professionnel est un sujet très démocratisé. Par contre, il est encore très mal compris. Utilisé à toutes les sauces, il sert souvent à désigner des situations qui ne lui correspondent pas.
Aude est praticienne en neuroscience, coach pour femmes et conférencière, spécialiste du burn-out et des risques psychosociaux. Son burn-out à elle, en 2012, l’a conduite jusqu’à la tentative de suicide. Alors, qu’est-ce qu’un burn-out, pour de vrai ? Aude nous répond dans cet épisode de « Ça suffit les c*onneries ».
« Il n’y a pas de définition juridique, aujourd’hui, sur le sujet. […] Encore maintenant, il y a beaucoup de confusion sur le sujet. Il y aurait 2 types de définition que je pourrais donner :
– La première, ce serait que le burn-out, c’est le développement de symptômes individuels quand on est surexposé à un environnement de travail qui est stressant et délétère.
– Il résulte d’un stress chronique au travail, qui ne va pas être digéré avec succès. Quand j’entends cette […] définition de l’OMS, là je me dis : « on y est ». »
Pour aller plus loin, elle détaille les 4 causes possibles du burn-out. Un épuisement professionnel peut être lié à :
- la surcharge de travail ;
- l’ennui professionnel ;
- la perte de sens dans son métier ;
- la porosité entre la vie privée et la vie professionnelle.
Il est également important de comprendre que, s’il est causé par le stress, il a des impacts sur toutes les composantes de la santé.
« De toute façon, le burn-out, c’est ça : c’est une dégradation de la santé physique, mentale et émotionnelle. Et comportementale, d’ailleurs. »
En résumé, qu’est-ce qu’un burn-out ? C’est un effondrement complet de la personne, suite à une exposition au stress trop importante, continue et d’origine professionnelle.
Le burn-out parental existe-t-il, ou est-ce que ça ne concerne que le travail ?
De nos jours, le burn-out est une problématique connue, qui concerne énormément de personnes. Cela a l’avantage de ne plus laisser les gens concernés dans l’errance. Hélas, le terme et ce à quoi il renvoie sont encore mal compris. Je suppose que toi aussi, tu as déjà vu passer l’expression de « burn-out parental », par exemple.
J’ai demandé à Aude ce qu’il en est vraiment. Faire un burn-out, est-ce possible uniquement dans le cadre du travail ? Ou bien cela existe-t-il dans d’autres domaines ? La réponse est très claire :
« Malheureusement, ça ne fait que desservir le sujet en lui-même. On est train de donner une vision d’un phénomène de mode, alors que c’est une pathologie du travail, qui est une pathologie sérieuse. […] Il faut que ce soit bien clair : ce n’est lié exclusivement qu’au stress au travail. […] Derrière ce mot-là, je pense que les gens essaient de parler de surmenage. »
Pour que cette pathologie soit mieux appréhendée et mieux prévenue, il est indispensable qu’elle soit comprise. Maintenant, tu en sais plus. Qu’est-ce qu’un burn-out, et qu’est-ce que ce n’est pas ? C’est une pathologie professionnelle très grave. Ça ne désigne pas un état d’épuisement dû à un autre domaine de sa vie. Quelle que soit la gravité d’un épuisement causé, par exemple, par la parentalité : à partir du moment où il n’est pas causé par le travail, le terme de « burn-out » n’est pas adapté.
« On devrait garder la terminologie qui est : syndrome d’épuisement professionnel. »
Y a-t-il des profils plus à risques que d’autres face à l’épuisement professionnel ?
Au fil de notre échange, Aude nous éclaire sur les personnes qui sont les plus à risques face au burn-out. Tout le monde peut être concerné, peu importe l’âge, le métier… Cependant, certaines personnes sont plus à même de développer cette pathologie : celles qui sont impliquées, engagées, consciencieuses, qui ont le sens des responsabilités.
« Ce ne sont pas des personnes qui sont dilettantes. Ce ne sont pas des personnes dont on peut dire qu’ils ne savent pas gérer le stress. C’est exactement l’inverse : ce sont des personnes qui encaissent le stress. »
Il est donc d’autant plus important de comprendre ce sujet qu’il concerne les meilleurs salariés, ceux qui ont envie de se donner à fond.
« Ça me rappelle un débat que j’ai fait à la télévision avec le numéro 2 du MEDEF. Je me rappelle qu’il disait, suite à l’intervention d’une personne par téléphone en duplex, que « alala, si jamais on fait en sorte qu’on reconnaisse ça en maladie, ça va être la boîte de Pandore et tout le monde va se ruer pour avoir un arrêt-maladie ».
Ça, c’est le discours de personne qui ne savent pas ce que c’est, parce que les personnes qui font des burn-out, […] elles ne veulent pas être en arrêt maladie. Elles n’ont jamais demandé à être en arrêt-maladie. Ce sont des personnes qui aiment leur travail. Ce sont des personnes qui, en soi, et c’est ça qui est fou, veulent simplement faire bien leur travail… Sauf qu’elles essaient de le faire bien dans un contexte qui les détruit. »
Face au risque de faire burn-out : que faire ?
Qu’est-ce qu’un burn-out est désormais une question à laquelle tu peux répondre. Maintenant, voyons quoi faire face à un risque d’épuisement professionnel.
La première manière de faire de la prévention est de diffuser les bonnes informations.
« On ne peut le prévenir que si on a conscience de l’impact. »
Que ce soit pour toi ou pour tes proches, dans le cadre du salariat ou de l’entrepreneuriat, il faut guetter les signes avant-coureurs. Ils sont physiques, mais aussi comportementaux ou encore liés à l’humeur.
« C’est important : le premier, quasiment, c’est forcément un signal annonciateur physique. Dans 99 % des cas, ça va être le trouble du sommeil. »
On peut aussi être attentif au fait de dire des expressions comme « je ne sais plus où donner de la tête », « les choses me pèsent »… qui montrent bien une forme de surcharge.
Si on sent qu’il y a un mal-être que l’on ne peut traiter seul·e, la première personne à aller voir est le manager.
« C’est lui qui a la main directe sur les conditions de travail. Si je vais voir mon manager et que je lui dis : « Écoute, par rapport à ce sujet-là, j’ai besoin de plus de temps », ou « là, j’ai besoin d’aide parce que je suis surchargée », […], ça, c’est la meilleure stratégie pour éviter que les personnes fassent des burn-out. […]
Si ça ne fonctionne pas et que les RH, on ne peut pas aller les voir, n’hésitez pas à aller voir le médecin du travail. […] C’est quelqu’un qu’on peut solliciter. Vous pouvez l’appeler quand vous voulez et demander un entretien. […]
Sinon, il faut aller voir son médecin traitant ou un médecin. Normalement, la prescription, pour pouvoir essayer de se remettre, de gérer la situation, c’est un arrêt-maladie. […]
Sinon, il faut peut-être aller plus loin : c’est-à-dire peut voir les syndicats, ou peut-être aller voir l’inspection du travail. »
Dans le cas de l’entrepreneuriat, il n’y a pas de manager. Il faut alors reconsidérer son organisation, sa méthodologie, tout son environnement de travail. Être vigilant à la solitude peut également tout changer. Si ça ne suffit pas, le but est de couper avec son travail, faire une vraie pause.
Quelle est l’histoire d’Aude Selly, spécialiste de l’épuisement professionnel ?
« Qu’est-ce qu’un burn-out ? » est le sujet principal de cet épisode de podcast. Mais il est aussi question de l’histoire de notre invitée, Aude Selly. Quelles étapes a-t-elle franchies avant de devenir spécialiste du sujet et, plus largement, de celui des risques psychosociaux ? En l’écoutant en entier, vous aurez accès à une partie de son histoire.
Malgré son parcours base en RH, elle n’avait jamais entendu ce terme. Il est entré dans sa vie à l’occasion d’une visite chez le médecin, après de nombreux signes annonciateurs.
« Je commence à pleurer, des pleurs que je ne contrôle absolument pas. J’appelle ma sœur et elle me dit : « Aude, ça suffit, tu vas voir un médecin. ». Dans ce cas-là, dans le burn-out, 99 % des personnes disent : « Non, je ne peux pas, parce que sinon, je vais avoir encore plus de boulot. ». Il y a d’autres raisons, c’est la peur : la peur de perdre son boulot, la peur des critiques, la peur de l’impact que ça peut avoir pour les autres… »
C’est quelques mois après ce rendez-vous qu’elle a véritablement fait son burn-out. Que s’était-il passé entre temps… ?
« Pendant ce temps-là, je ne fais que gérer le quotidien, qui ne s’arrange pas du tout, qui continue à se dégrader, et moi avec, d’ailleurs. Je pense que les signaux étaient tellement en rouge, que à moins […] de t’arrêter complètement pour ne plus être dans le contexte qui te détruit, au final, et bien les choses ne changent pas. Les choses s’empirent. »
Pour aller plus loin, découvre ses 3 livres, rassemblés en un seul sous le titre « Autopsie d’un burn-out, se reconstruire et se réinventer », aux éditions Dunod. Le premier de ces 3 ouvrages, Aude l’a rédigé en 6 jours, environ 6 mois après le début de son burn-out. En 2015, elle sort un second livre sur la reconstruction, avec différents témoignages, de personnes aux profils variés. Enfin, en 2019, son troisième livre explique comment reprendre le chemin du travail.
Qu’est-ce qu’un burn-out ? | Pour conclure : un message pour tous ceux qui en souffrent
Pour conclure cet article sur ce qu’est vraiment un burn-out, Aude a délivré un message à toutes les personnes actuellement en épuisement professionnel.
« J’ai envie de lui dire que c’est une personne qui est exceptionnelle. Ça, c’est quelque chose qui est hyper important. […]
J’ai modélisé une courbe qui explique quel est le process d’épuisement et le process de la reconstruction. Dans cette courbe, il y a cette descente où la personne perd de plus en plus confiance en elle. Elle a de plus en plus de doute, elle a de plus en plus d’idées négatives. […]
Le corps humain, le cerveau, est extraordinaire. Lui, il sait depuis quelque temps qu’il est en surchauffe, donc il envoie des signaux. Et quand tu ne les écoutes pas, il envoie des signaux de plus en plus forts pour obliger le corps, le conscient, à s’arrêter. […]
Et surtout : ne restez pas seul. C’est impossible, je répète : c’est impossible de s’en sortir tout seul. »
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Si l’épuisement professionnel est un sujet qui t’intéresse, je te conseille d’écouter l’épisode en entier. Maintenant que tu connais l’importance de la prévention sur ce sujet, tu peux aussi partager cet épisode à qui pourrait en avoir besoin. Qu’est-ce qu’un burn-out, pour de vrai, ne devrait jamais être une question sans réponse, ni avec une réponse floue. Si tu souhaites poursuivre l’expérience avec moi, tu peux donner ton avis sur cet épisode et rejoindre la communauté CSC sur Instagram ou LinkedIn !
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